Après les « beaux livres » présentés dans Feuilles d’automne, tome 1, une sélection d’autres ouvrages qui sont de vrais cadeaux aussi, certes plus modestes par leur format et le nombre d’illustrations (parfois inexistantes !) mais qui n’en restent pas moins ambitieux dans leur propos. Si l’habit ne fait pas le moine, en littérature, le poids d’un livre ne dit rien de la pertinence du contenu ! La preuve avec ces petits volumes qui nous offrent des grands plaisirs de lecture.


Montagnes humaines (Éditions Arthaud, collection Versant intime, Entretiens avec Fabrice Lardeau) & Les flammes de pierre (Éditions Gallimard), de Jean-Christophe Ruffin.
Deux livres très complémentaires qui nous confortent sur l’attirance que Jean-Christophe Ruffin, originaire des plaines du Berry, ressent pour la montagne. Le premier renseigne sur la vraie nature des rapports ambigus qu’il entretient avec elle depuis l’enfance, le second est le premier roman de l’écrivain dont l’action se déroule dans ce cadre fascinant et plus précisément dans la vallée de Chamonix. Il vit non loin de là, à Saint- Nicolas-de-Véroce, une partie de l’année et cette région de Haute-Savoie pour laquelle il éprouve « une tendresse particulière » n’a plus beaucoup de secrets pour ce grimpeur chevronné. Dans ces récents ouvrages, vous l’aurez compris, il est beaucoup question d’alpinisme, mais pas seulement. Pour lui, qui se définit à l’opposé du vrai « rêveur contemplatif », cette montagne qui lui apparut enfant comme « une terre profondément hostile » est progressivement devenue synonyme d’espace de liberté, grâce à la pratique de l’escalade et de la randonnée. Sensible à « la dimension sensuelle de la montagne », il explique que l’« on découvre le goût de la roche dès sa première course… Cela fait partie du cœur de l’activité, des plaisirs sans cesse renouvelés qu’elle procure« . Qu’il s’agisse de son jugement sur le métier de guide, sur l’écologie ou sur la montagne en général et les sports que l’on y pratique…on se régale à lire autre chose qu’un discours convenu. Sa réflexion, enrichie par une vie faite de plusieurs vies (médecin, diplomate, journaliste, écrivain…) est étrangère à la pensée unique. Quant à son roman « les Flammes de Pierres« , nourrit de toutes ses expériences à la fois professionnelles, humaines et sportives, il parvient à se frayer un chemin personnel dans un genre littéraire qui compte déjà de célèbres auteurs. Le suspens reste entier jusqu’à la fin et Jean-Christophe Rufin tient le lecteur en haleine avec une histoire d’amour riche en rebondissements, bien ficelée (et écrite bien sûr !) où la montagne, omniprésente, joue un rôle vraiment majeur.

« Guide historique et patrimonial de Chamonix Mont-Blanc et de sa vallée » de Christine Boymond-Lasserre (Esope éditions)
Ce guide se glisse dans la poche. L’auteur, Christine Boymond-Lasserre, native de Haute-Savoie, n’a pas son pareil pour faire visiter Chamonix et les villages de la vallée. Mais si vous ratez « les visites culturelles de Christine », guide-conférencière aussi sympathique que captivante, il vous reste son blog https://www.blogdechristineachamonix.fr/ à suivre absolument et maintenant son guide ! Pour arpenter Chamonix et les communes avoisinantes (les Houches, Servoz, Vallorcine ou Argentière) à la découverte de leurs multiples richesses, ce petit livre rouge très dense s’avère…un outil précieux enrichi de cartes, d’une illustration variée et abondante. Blog, visites et guide ne sont pas de trop tant la vallée de Chamonix regorge de merveilles !

« Léman. Légendes d’un lac » d’Isabelle Falconnier (éditions Nevicata, Collection L’âme des peuples »)
Critique littéraire et chroniqueuse suisse, Isabelle Falconnier est née au bord du Léman et ne peut plus s’en passer. Ce qu’elle raconte joliment et avec beaucoup d’émotion dans la première partie de ce petit livre très personnel révèle les charmes multiples du Léman, sans pour autant jouer le guide touristique. Ce sont des impressions intimes, une histoire qui lui est propre et qui rappelle pourtant à tous ceux qui partagent son amour du Lac – dont je fais partie ! – des liens particuliers que l’on a déjà pu constater, une attractivité incroyable ressentie par ces riverains suisses ou français, qu’ils soient autochtones ou touristes étrangers, artistes ou écrivains. Cette passion dévorante, Isabelle Falconnier a bien sûr les mots pour la décrire et nous livre aussi dans une promenade littéraire ceux d’auteurs célèbres, Rousseau, Byron, René de Chateaubriand, Victor Hugo, Flaubert, etc. Son récit est suivi de trois entretiens très intéressants avec Bruno Berthier (l’histoire), Marianne Chevassus Favey (un lac laboratoire, véritable bassin d’innovation) et Didier Zuchuat (cinéma. Le lac est un acteur). Il existe notamment dans cette collection à découvrir les titres « Suisse » et « Valais ».

« Jean-Louis Chanéac, formes rêvées, formes concrètes » de Dominique Amouroux et Mélina Romondec (Collection Portraits, éditions du Caue de Haute-Savoie)
Neuvième opus de cette collection originale consacrée à des hommes et des femmes (une seule pour l’instant, Charlotte Perriand !) dont les œuvres architecturales, urbanistiques et paysagères marquent les territoires des Savoie. Les auteurs sont toujours « archi » pointus dans leur domaine et cette fois encore on bénéficie du double regard d’un spécialiste de Chanéac, Dominique Amouroux et de celui d’une doctorante en architecture, Mélina Romondec, dont la thèse porte sur le Groupe international d’architecture prospective illustré par l’œuvre de Chanéac (1931-1993), Pascal Haüsermann, Claude Costy et Paul-jacques Grillo. « Mettre en vis-à-vis une production foisonnante inexplorée à ce jour avec la période prospective très reconnue, souligne avec finesse, la fonction stimulatrice du rêve mais aussi ses limites dans le quotidien de l’agence » explique Arnaud Dutheil, directeur du Caue (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Haute-Savoie), éditeur de cette collection. La carrière de Chanéac, architecte visionnaire, illustre bien le titre du pamphlet de Rudy Ricciotti (architecte du Mucem à Marseille notamment) « l’architecture est un sport de combat » ! A découvrir absolument et aussi in situ en se promenant dans les Alpes et plus particulièrement dans sa région d’Aix-les-Bains où il vécut et imagina en 1976 pour sa famille une maison organique incroyable, aujourd’hui inscrite au titre des Monuments historiques : «Précieux et rare témoignage des théories et des travaux de l’architecte Jean-Louis Chanéac, figure intéressante de la pensée architecturale utopiste des années 1960-1970. L’édifice, représentatif du mouvement de l’architecture-sculpture, se caractérise par son intégration dans le paysage, et ses formes arrondies. »
Le prochain livre de la collection « Portraits » sera consacré à Paul-Jacques Grillo (1908-1990), architecte aux multiples facettes, grand prix de Rome qui séjourna notamment à Samoëns pendant la guerre et fera ensuite partie de l’équipe des concepteurs de la station de Méribel aux côtés de Christian Durupt et André Dutour.

« Psychisme ascensionnel » d’Etienne Klein, Entretiens avec Fabrice Lardeau (Collection Versant Intime, éditions Arthaud)
Judicieuse idée de collection « Versant intime » propose des rencontres avec des passionnés de montagne issus de milieux scientifiques, littéraires, artistiques, etc. ; Fabrice Lardreau (journaliste), qui la dirige, pose les bonnes questions et la conversation reste fluide et intéressante dévoilant des approches très personnelles de la montagne et plus généralement, du rapport avec la nature. Une dernière partie s’attache aux « Lectures montagnardes », des morceaux choisis par Etienne Klein, physicien, docteur en philosophie des sciences, auteur et même animateur d’une émission sur France Culture. La passion qu’il nourrit pour la montagne remonte à ses vingt ans, en 1978, lors d’un stage à L’UCPA à Chamonix. « J’avais, moi, l’impression d’être tiré vers le haut, comme sous l’emprise d’une force antigravitationnelle ». Une révélation pour un jeune homme qui dit avoir grandi à Orsay dans la banlieue parisienne dans un milieu familial où personne ne fréquentait la montagne. Et pourtant, ce coup de foudre perdure… « C’est Ainsi que la montagne est devenue mon véritable topos : je m’y sens à l’aise et parfaitement libre, ce qui est paradoxal car la montagne est par nature un monde de contraintes… ». Il explique à Fabrice Lardeau ses sensations extrêmes, sources de son addiction à l’alpinisme et son admiration pour les alpinistes d’hier et d’aujourd’hui, dont certains semblent « avoir l’ADN d’un chamois » comme Christophe Profit « escaladant les Drus à toute berzingue », son amour des sommets qui ont une histoire… « En montagne, explique Etienne Klein, la majesté des perspectives ouvre l’espace de la pensée ». La messe est dite en des termes qui parlent au cœur et à l’esprit. A lire absolument pour prendre de l’altitude.

L’Alpe, N°94, le Valais. L’envers de l’endroit (Revue, éditions Glénat)
La couverture est à tomber à la renverse, comme souvent avec l’Alpe mais là, au sens propre et figuré avec cette photo saisissante « Piano vertical » représentant une performance plastique spectaculaire d’Alain Roche… Le dossier de ce 94ème numéro consacré au Valais a un objectif majeur, comme l’écrit Jean Guibal, directeur éditorial : « Tout au plus peut-on tenter de relever les traits originaux de ce pays, et surtout de sa population, sous un regard exclusivement contemporain » sans « prétendre brosser un portrait du canton du Valais en quelques pages ». Mission impossible en effet compte tenu des richesses de celui-ci dans les domaines les plus variés qui en font un pôle d’attractivité majeur en Suisse tant sur le plan touristique (ce que l’on sait déjà) qu’économique avec nombre « d’activités de recherche et de formation, de filières industrielles liées aux biotechnologies, et de politiques culturelles favorisant la création en toutes disciplines. » L’angle d’approche sort du conventionnel et du cliché ((la signature de « l’Alpe ») pour nous faire découvrir par le truchement d’auteurs férus de cette région « l’envers de l’endroit ». Dernier numéro paru consacré à « la Forêt« . Le Père Noël peut offrir un abonnement à l’Alpe à tous les amoureux de montagne sans risquer de se tromper !

Si Annecy était…Par le Chef Laurent Petit Photos de Delphine Evmoon(éditions le Monde Autrement)
C’est à une photographe, Delphine Evmoon, que revient l’idée originale de cette collection intimiste et la création de la maison d’édition « le Monde Autrement ». Laurent Petit, chef triplement étoilé et propriétaire du Clos des Sens à Annecy-le-Vieux s’y exprime librement sur ses choix de cœur, ses goûts, ses joies en toute simplicité. L’exercice a plu sans nul doute à ce chef qui aime le vrai. Le Clos des Sens fêtera ses trente ans en 2022. Martine et Laurent sont des hôtes hors pair parce qu’ils ont su s’enraciner dans cette région muse de leur travail, se fondre dans cette nature qu’ils prennent le temps de découvrir et d’observer, de partir à la rencontre de ses artisans, ses artistes, de ses petits producteurs, de s’imprégner d’autres savoir-faire, de saveurs, d’odeurs et de couleurs. Plutôt qu’un livre de grand format classique avec des recettes gastronomiques, Laurent Petit a été séduit par un ouvrage plus modeste mais très soigné, joliment illustré aussi, sur ses recettes du bonheur à Annecy dont il dévoile tous les ingrédients savamment dosés avec la belle sincérité qu’on lui connait. Tout ce qu’il nous fait partager au fil des pages nourrit son inspiration culinaire et son quotidien. Ceci explique cela, la réussite du Clos des Sens.

Les 100 mots du patrimoine de Guy Sallavuard, préface de Guillaume Poitrinal (Editions PUF, collection Que sais-je ?)

La Bible à découvrir et à picorer avec gourmandise ! Chaque mot est un cadeau du ciel pour remettre l’église au centre du village… en montagne et ailleurs car notre patrimoine est d’une grande richesse dans toutes les régions de France. L’auteur, Guy Sallavuard, est Vice-président de l’association Maisons paysannes de France, le préfacier, Guillaume Poitrinal, président de la Fondation du patrimoine. Ils partent du principe si vrai que « Le patrimoine est la porte la plus ouverte vers la culture » et par conséquent que « Sa sauvegarde est l’affaire de tous. » Il s’agit d’un bien commun, dit-on encore. On commence avec « anastylose » dont je vous laisse découvrir le sens, pour terminer avec « vol ». En somme, comme le précise l’auteur, on débute par les arts et les architectes pour finir par la vie ! Ce qui en dit long sur la diversité des mots choisis que Guy Sallavuard, d’une plume alerte, balaie avec une culture (et un humour parfois) que l’on apprécie à sa juste valeur. La synthèse n’est pas l’exercice le plus facile !
Merci pour toutes ces belles idées de cadeaux de Noël !
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Coucou Marie-Christine,
Merci pour cette belle sélection. Je transfère à Christine Boymond 😉
Bises
Cécile
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