Une bouffée d’art pur, troisième épisode

À la librairie-galerie Sauvage, « Visions alpines, paysages de papier« . Pour sa troisième exposition chamoniarde, Cécile Fourcade anime avec ses collages les cimaises de ce nouveau lieu culturel qui fête cet été son premier anniversaire! Rencontre avec une artiste amoureuse de la nature.

Dans son atelier au charme fou que l’on découvre au fond d’un délicieux jardin caché par un haut portail, véritable enclave paisible à Vitry-sur-Seine, Cécile s’active avec une certaine fébrilité à la préparation de ses collages qui partent pour l’exposition de Chamonix : « Exposer pour moi c’est hyper important. Le regard des autres, les rencontres et les échanges, cela m’apporte beaucoup. J’en ai besoin. Même si cette confrontation me stresse ! C’est la même chose j’imagine pour l’écriture, le métier d’acteur… »

Dans le jardin de l’atelier de Vitry-sur-Seine©MC.Hugonot
Ancien album ©Cécile Fourcade
Playmobil ©Cécile Fourcade

Sur sa grande table de travail et ses étagères cohabitent pêle-mêle des photos de famille, de Servane, son amie des Beaux-Arts, des reproductions d’œuvres qu’elle aime – la Tempête de Giorgione, l’Acrobate de Picasso, un tableau de Monet et la photo de l’artiste âgé assis sur un banc à Giverny… ses drôles de Playmobil à ski ou en raquette, des petits croquis qu’elle fait à la va vite en attendant l’arrivée d’un train, une ancienne carte postale des Aiguilles de Chamonix, quelques aquarelles personnelles et monotypes, des pages de vieux magazines de montagne, un bel album sans âge « Souvenir du lac des quatre Cantons », l’Ancien Atlas schématique des Alpes occidentales, le tome 2 du Guide Vallot sur la chaîne du Mont Blanc consacré aux Aiguilles de Chamonix…

Petit soir © Cecile Fourcade

Depuis l’enfance Cécile arpente les chemins de la Vallée de Chamonix et éprouve une vraie passion pour la montagne en particulier et pour la nature en général. Elle lui inspire des paysages étonnants traversés par un grand vent de liberté. Reconnaître ou pas tel sommet, à quelques exceptions près, semble bien illusoire pour cette jeune femme rêveuse et sensible. Le réalisme n’est qu’apparence même si parfois le titre de certaines séries donne un indice ! Chacun s’engouffre avec son imaginaire dans ses collages poétiques aux tons subtils (ou le bleu prédomine) pour y projeter une interprétation nourrie par ses propres souvenirs…Elle souhaite que ses « Visions alpines » se réinventent de cette manière, à chaque regard et permettent de s’évader. Cécile emmagasine des traces, des sensations et des émotions qu’elle va traduire ensuite librement dans ses paysages de papier qui tendent de plus en plus vers l’abstrait.

Cécile à l’atelier ©Paul Fourcade

La page blanche au grammage épais s’anime rapidement et se métamorphose comme par magie au gré de l’application minutieuse et successive de fines strates de papiers magnifiques, d’une apparente fragilité, choisis avec gourmandise chez Sennelier (haut lieu des Beaux-Arts installé à Paris depuis 1887 !). La sélection prend du temps. Cécile interroge, écoute avec attention l’histoire, la provenance (Corée, Népal, Japon…), les propriétés de chacun, caresse le papier, s’éprend de certains tons délicats ou plus toniques… « C’est ma palette. Je privilégie la qualité du papier, avec des champs possibles et la couleur. Après je les teins. Cette étape va me permettre d’augmenter ma palette en intervenant sur la gamme chromatique mais aussi de la stabiliser davantage Je choisis mes encres de marque allemande avec le plus de transparence possible et un indice optimal de résistance de la couleur à la lumière. » Elle découpe ses formes au cutter, s’inspirant parfois d’un de ses croquis, d’une photo de famille, d’amis, d’un document qu’elle a conservé précieusement… « En fait, je travaille dans tous les sens » résume t- elle en riant ! Vient ensuite la phase ultime d’assemblage et de collage.

Dessins de Cécile Fourcade©Cécile Fourcade

Elle découvre fortuitement cette pratique durant ses études aux Beaux-Arts lorsqu’elle effectue en parallèle un premier cycle en école d’architecture. Aucun artiste ne l’influence, personne ne lui souffle l’idée…elle utilise par hasard un papier de soie dont elle apprécie la transparence, découpe et bombe à la colle pour un résultat qui valorise la présentation de ses plans faits à la main. Une révélation !

Il faudra cependant attendre quelques années pour qu’elle y revienne et décide d’en faire son nouveau mode d’expression artistique en peaufinant chaque étape de cette technique très personnelle basée sur une étude purement empirique.

Mont Blanc rouge et bleu ©Cécile Fourcade

Le cadrage de ses œuvres doit beaucoup à son œil de photographe, métier qu’elle a exercé après son cursus universitaire pendant quelques années. Le passage au numérique et la naissance de sa troisième fille ont eu raison de cette activité passion par trop chronophage.
Cécile montre ses premiers essais de collages à Pierre Masson*, l’homme aux longs cheveux blancs toujours coiffé d’un grand chapeau noir porte lunettes…qui régna pendant plusieurs années sur la Librairie des Alpes, rue de Seine (unique fief parisien des amoureux de la montagne, créé en 1933 par André Wahl, ex chasseur alpin). Son regard bleu glacier détecte un vrai talent qu’il encourage en exposant Cécile devenue depuis « l’artiste fétiche » de la Librairie-galerie où elle présente ses œuvres en permanence.

Glacier ©Cécile Fourcade

« Quand je suis en montagne, j’ai toujours ma boite d’aquarelles depuis l’enfance ou un carnet de croquis. J’aime bien ce qui n’est pas technique pure. J’aime les accidents de l’encre sur le papier, les imprévus qui me guident vers la révélation d’un sujet, autrement je m’ennuie vite ! Je n’ai jamais de page blanche puisqu’aussitôt je la recouvre déjà d’une première feuille de papier. J’adore m’appuyer sur la matière. C’est pour ça que j’aime la photo pour la chambre noire, cette magie de l’image révélée …Et de la même manière avec mes feuilles, mes découpages, l’image va apparaître progressivement. J’aime bien m’amuser, qu’il existe aussi un côté ludique ! »

Au mur de l’atelier © MC.Hugonot

L’accrochage d’une vingtaine d’œuvres de différents formats à la librairie-galerie Sauvage de Chamonix illustre à merveille la diversité de ses « paysages de papier » tant sur le plan de l’intensité et de l’audace chromatiques que dans l’approche et le cadrage sans cesse renouvelés de cette nature qui l’inspire. La liberté de Cécile Fourcade donne lieu à des « Visions alpines » baignées d’ombre et de lumière, originales et surprenantes.

Cécile parmi ses collages à Chamonix ©Héléna Arconada

JOYEUX ANNIVERSAIRE À LA LIBRAIRIE-GALERIE SAUVAGE !

Céline, Louis et Louise, la fine équipe de la librairie-galerie Sauvage©MC.Hugonot

« Pari gagné ! » déclare joyeusement Louise( à droite sur la photo!). Après un an d’exercice, ce bilan positif pour Louise et Louis récompense leur longue réflexion en amont. Bien accueillis à Chamonix, à la fois par les autochtones et les résidents secondaires, le succès de cette librairie indépendante et généraliste s’étend aux touristes de passage. Cette réussite leur a permis d’agrandir leur stock dans chaque domaine et de nourrir d’autres idées pour enrichir ce bel espace datant des années 1920.

Croquer la vie à pleines dents, dévorer des livres, aimer l’art, nourrir une vraie passion pour Chamonix… il fallait tout cela sans doute mais aussi avoir 30 ans comme Louise et Louis pour oser partir à la conquête d’un nouveau public en ouvrant une librairie-galerie en plein centre-ville. Située avenue Michel-Croz, à côté de la Maison Tairraz, haut lieu de la photographie alpine, la Librairie Sauvage reflète parfaitement l’image de ses propriétaires. Louise et Louis ont aussi accueilli Céline (à gauche sur le photo), une jeune libraire férue de littérature anglo-saxonne ravie de partager ses découvertes avec les lecteurs étrangers, nombreux à Chamonix. Pourquoi « Sauvage » ? « Pour éviter le cliché « librairie du Mont-Blanc » ! Plus sérieusement, explique ce jeune couple, pour évoquer la nature sauvage qu’il faut préserver… et aussi la liberté… tout ce que l’on aime en somme ! »

©MC.Hugonot

Répartie sur deux étages et 160 mètres carrés, la spacieuse Librairie sauvage prolonge ses rayonnages dans un vaste sous-sol où se situe aussi une salle d’exposition. Louise et Louis y présentent des artistes coups de cœur, qu’il s’agisse de céramistes, peintres, dessinateurs, photographes ou sculpteurs. L’exposition de Cécile Fourcade est la quatrième. Judicieusement placée à côté de la galerie, une belle sélection de matériel lié aux Beaux-Arts permet aux amateurs (nombreux semble-t-il à Chamonix !) de se livrer à leur passion pour le dessin, l’aquarelle ou la peinture dans un environnement des plus inspirants !

Ce nouveau lieu de rencontre culturel chamoniard réunit beaucoup d’atouts outre une équipe de passionnés très sympathiques : un cadre aux volumes généreux, lumineux, chaleureux et patrimonial, un stock important très diversifié et original (quelque 10 000 ouvrages) qui comble petits et grands, en français et anglais, une sélection très tentante de papeterie haut de gamme, un beau choix de matériel Beaux-Arts et la découverte d’œuvres d’art très originales… Tout autour du plafond de la pièce centrale de la librairie court une ravissante fresque ancienne restaurée en 2001 par Lionel Wibault (peintre et guide de Chamonix) qui évoque la montagne. Cette montagne qui nourrit une abondante littérature à feuilleter ici – le bonheur ! – face aux massifs des Aiguilles-Rouges et de la Flégère… Joyeux anniversaire à la librairie-galerie Sauvage! https://www.lalibrairiesauvage.com/178 Av. Michel Croz, 74400 Chamonix-Mont-Blanc

Circé, la mascotte de la librairie, se promène avec grâce dans le rayon montagne!©MC.Hugonot

*Pierre Masson abreuvé de littérature de montagne à la Librairie des Alpes a tourné la page. Il écrit aujourd’hui des polars sous le patronyme de Peter D. Masson et vient de publier « Destins mortels à Chamonix » aux Éditions Guérin. Un excellent thriller, plein d’humour et de meurtres, rondement mené, où l’on flingue à tour de bras et où l’on prend aussi le temps d’aimer passionnément en se trompant de cible… Riche en rebondissements et surprises en tous genres, comme il se doit, bien documenté sur la montagne (passion de l’auteur), on ne lâche plus ce petit livre rouge du début à la fin. Efficace et drôle, il nous embarque dans la tourmente incroyable de Gabriel Santonini, 28 ans, et l’on se met à suivre frénétiquement « l’attachant » tueur à gages (parti « comme un voilier démâté à la dérive) avec une addiction telle que finir le livre devient une question de vie ou de mort !

Croquis en montagne©Raphaël Arconada

Une réflexion sur “Une bouffée d’art pur, troisième épisode

  1. Ping : Séance de rattrapage ! – lartdevivrelamontagne.com

Laisser un commentaire