Les feuilles d’automne se ramassent à la pelle. Certaines plus que d’autres méritent d’être conservées dans l’herbier des amoureux de montagne !

Isabella Straton (I838-1918) est de nouveau à l’honneur avec un petit livre très soigné qui retrace en soixante pages la vie hors norme de « La suzeraine du Mont-Blanc » (Éditions Esope). L’existence de cette aristocrate anglaise, orpheline très jeune, fortunée et indépendante, intrépide et rompue à l’exercice de sports multiples, qui devient une alpiniste chevronnée, intrigue et fascine à la fois en cette fin du XIXème siècle. Aujourd’hui encore, sa grande histoire d’amour avec son guide chamoniard Jean-Estéril Charlet, en compagnie duquel elle réussit la première course hivernale au mont Blanc en 1876, ne laisse personne indifférent. Son guide attitré deviendra son mari et le père de ses trois garçons. L’auteur de « La suzeraine du Mont-Blanc« , Joëlle Dartigue-Paccalet raconte en détails son palmarès de courses incroyables avec et sans Isabella. Car après avoir accompli de nombreux exploits en montagne, se consacre surtout à ses enfants et mène une vie heureuse dans la grande maison du Crétet qu’ils ont fait construire non loin du hameau des Frasserands où naquit Jean-Estéril . Malgré tout, peu de temps après la venue au monde de leur troisième fils, Isabella accompagnera son mari lors de la première ascension réussie de l’aiguille de la Persévérance en 1881 qu’elle avait déjà tenté par deux fois à ses côtés… Le livre s’appuie sur des archives familiales et les souvenirs de Jean-Marie Landot, l’arrière petit-fils de ce couple aimanté par les sommets.


« Isabella, the Lady » est le titre de l’un des portraits du chapitre « Les pionnières » (1808-1913) dans « Une histoire de l’alpinisme au féminin » (Éditions Glénat). Le couple d’auteurs, Stéphanie et Blaise Agresti, qui vit dans la vallée de Chamonix, rend un bel hommage à Isabella Straton dont le destin tragique a forgé un caractère de rebelle et donné une endurance incroyable. « Vouloir c’est pouvoir » comme l’écrivait Henriette d’Angeville, cette autre « fiancée du mont-Blanc » à la même époque. L’aristocratie anglaise, n’en déplaise à l’alpiniste militante Lise Billon, préfacière du livre, ne se résume donc pas à un « homme blanc de classe supérieure » et autres clichés véhiculés par ses propos bien ancrés dans la doxa à la mode. Les auteurs eux-mêmes lui emboitent le pas… dans leur préface par exemple, en posant la question « la montagne a t-elle un genre?« , en jugeant Frison-Roche « un brin misogyne » ou en intitulant le dernier chapitre du livre « Et demain: liberté, égalité, sororité? » Récemment, qu’ont dit les alpinistes Faye Manners (britannique) et Michelle Dvorak (américaine) bloquées dans l’Himalaya sur une paroi à 6000 mètres d’altitude et en grand danger quand elles ont vu arriver leurs trois sauveteurs chamoniards appartenant au GMHM (Groupe militaire de Haute montagne) ? « Merci les filles » ?…