Une bouffée d’art pur, second épisode

Petite parenthèse avec un détour parisien pour découvrir le premier volet de l’exposition « La mode en mouvement » au Palais Galliera sachant que le troisième sera consacré… aux sports d’hiver. Mais patience jusqu’en 2025 !

Ensemble de footing (le terme et la pratique existaient déjà en Angleterre!) Chéruit, 1914 © Palais Galliera / Paris Musées

À une époque où chacune de nos pratiques sportives se trouve facilitée par
l’existence de vêtements adaptés hyper confortables, il est intéressant et
amusant de voir au Palais Galliera, à travers les collections du musée de la
Mode, le long chemin parcouru pour arriver à cette adéquation parfaite au fil
des siècles, du XVIIIème à nos jours.

La montagne apparait déjà dans cette exposition captivante avec quelques pièces significatives . Une tenue de ski (vers 1935) signé de l’anglais Tunmer (dont l’élégante boutique parisienne Place Saint-Augustin était réputée pour les vêtements de sports) et une paire de chaussures de ski de la même époque, aux formes improbables. Créations d’un bottier italien réputé Camillo Di Mauro, installé à Paris et surnommé « le Michel-Ange de la chaussure« , elles sont en cuir bovin pleine fleur et métal cuivreux… nous dit la légende !

À gauche, Tumner, Ensemble de ski, vers 1935. Sergé de laine ©Mch. À droite, Camillo Di Mauro, Paire de chaussures de ski pour femme, 1935 ©Mch

Lorsqu’on redécouvre dans les années 1960-70 les vertus de la combinaison (la fameuse « Tuta », création textile de l’artiste italien Thayaht date des années 20) pour une plus grande liberté de mouvements, les créateurs de mode mais aussi les équipementiers s’en emparent. Ces derniers proposent aux sportifs « des modèles réalisés dans des matières techniques afin de favoriser leurs performances. »

Combinaison Courrèges, Automne-Hiver 1967-68 © Palais Galliera / Paris Musées

Parmi d’élégantes combinaisons de ville créées par de grands couturiers tels
que Courrèges, celle, très stylée, conçue vers 1970-75 pour le ski par
Jean-Charles de Castelbajac, Ko and Co, pour Fusano (en fibre synthétique
satinée, métal). Monochrome et noire, elle surprend pour cet amoureux de la
couleur qui s’illustre bien davantage dans ses versions hyper bariolées conçues
pour Rossignol au cours de l’hiver 2015-2016 !

Au fil de ce parcours chronologique riche de 200 œuvres environ, en majorité issues des collections du Palais Galliera, Marie-Laure Gutton, commissaire scientifique, propose une lecture croisée passionnante qui révèle  » le lien qui unit le corps, la mode et le mouvement, confrontant garde-robe de ville et vestiaire sportif pour mieux en saisir les transformations « . L’interaction incroyable et les bouleversements profonds auxquels se prêtent l’univers de la mode pour revoir sa copie et créer des vêtements plus fonctionnels est étonnante.

Ensemble de cycliste (jaquette et culotte), vers 1900 © Palais Galliera / Paris Musées

Associé à la pratique de différentes activités physiques, le vêtement de
sport s’adapte au climat, au terrain, crée des codes (le blanc pour le tennis)
et tient compte de l’évolution des mœurs…  Cette évolution que l’on suit pas
à pas permet progressivement à la femme de s’affranchir de multiples carcans
imposés par d’autres vêtements du quotidien et au corps de se libérer. Le souci
de performance né avec le début des compétitions sportives en France dès la fin
du XIXème siècle va nourrir une autre réflexion liée à la coupe et aux matières
employées pour augmenter les chances de succès.

« La mode en mouvement » s’achève avec une vitrine consacrée à la basket, icône de mode, convoitée, collectionnée, portée en toutes circonstances par presque toutes les générations. Cet accessoire emblématique de la porosité qui existe désormais entre le sport et la mode, visible dans le prêt à porter comme dans le luxe… en montre aussi les excès et parfois les dérives, selon les goûts. L’élégance s’arrête-t-elle là où commence le mélange des genres, là où pour casser les codes on crée un nouvel uniforme ? Vaste sujet de réflexion !

Sneaker Converse, 2009 © Palais Galliera / Paris Musées

« la Mode en mouvements » – Du 16 juin 2023 au 15 mars 1924 (1er accrochage), le Palais Galliera – Musée de la Mode, 10, Avenue Pierre Ier de Serbie, 75016 Paris, www.palaisgalliera.paris.fr  Cette exposition collections s’inscrit dans la programmation de l’Olympiade Culturelle Paris 2024 et bénéficie de prêts du Musée national du Sport (Nice, de la Bibliothèque Forney (Paris, du Patrimoine Chanel, de la collection Émile Hermès, des maisons Sonia Rykiel et Yohji Yamamoto). Prendre le temps de regarder quelques films très courts et drôles comme « Madame fait du sport » (film muet de I908), « Léonce aux bains de mer » (fiction, film muet 1913) ou « Vive la neige ! » un film muet d’amateur datant de 1936 en noir et blanc tourné à Megève.

Anonyme, 1921-1922. Tenue de sport Premet. Autochrome, Collection du
Musée des Arts et Métiers
©Mch

Voir également l’exposition-dossier « Les couleurs de la mode » (aux mêmes dates et toujours dans les galeries en rez-de-jardin du musée de la Mode) dédiée au fonds d’autochromes d’une grande richesse conservé au Musée des Arts et Métiers (le Cnam). La scénographie comme celle de « la Mode en mouvement » est remarquable, les images sublimes et ces photographies couleur inédites « renouvellent la lecture de la mode du début des années 1920 ». Présentée sous forme de fac-similés, une centaine d’images fait découvrir la palette subtile de l’autochrome, en regard des costumes, accessoires et documents du musée. Catalogue : Les Couleurs de la mode, sous la direction de Sylvie Lécallier – Éditions Paris Musées.

Autochrome, Anonyme 1923. Robe Lanvin, printemps-été 1923. Collection Musée des Arts et Métiers, CNAM Paris ©Mch

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