Samoëns : le cœur, la main, l’esprit

Alors que les usines à ski peinent à envisager l’avenir sereinement en raison d’une neige capricieuse, Samoëns, un des plus charmants villages de Haute-Savoie, fidélise les amoureux de l’art de vivre la montagne en toutes saisons avec des richesses pérennes. et multiples.

Reflet du Criou, la montagne emblématique de Samoëns, dans le lac aux Dames ©MC Hugonot

« La montagne se réinvente au-delà du ski. Les villages aujourd’hui retrouvent leur caractère, leur attrait, la protection de la faune et de la flore qui peuvent être présents sur place, l’activité agricole. Le réchauffement climatique n’est pas à vivre comme un danger mais au contraire comme une impulsion à donner au territoire pour assurer de nouveaux horizons en matière de développement touristique. » Ces paroles empruntes d’une grande sagesse, émanent de Florence Fombonne, urbaniste géographe, alors directrice du Caue de Savoie (actuellement de celui de l’Hérault). Alors que les conférences « propres à nourrir une nostalgie » se multiplient comme le souligne l’architecte Jean-François Lyon-Caen, ce dernier rappelle à juste titre que certains beaux villages comme Samoëns étaient jadis une vallée glaciaire.

Ouvertures décoratives destinées à l’aération d’une ancienne grange du village ©MC.Hugonot

Samoëns, station village, reliée aux domaines skiables du Grand Massif, n’a pas joué sa réussite aux dés sur la manne céleste offerte par l’or blanc. Son nom remonte à l’an 1167. Il provient d’une expression médiévale qui qualifie « les sept monts » entourant le village. Voilà pourquoi les habitants du village se sont appelés septimontains. Avec ses nombreux atouts, elle sait valoriser les richesses tant humaines que patrimoniales et pastorales d’un bourg traditionnel entouré de ravissants hameaux. La place du Gros Tilleul (planté en 1438) est une véritable carte postale animée par sa belle église Notre Dame de l’Assomption et le presbytère, sa grenette du XVIème siècle (marché couvert), son manège à l’ancienne, le bourneau – fontaine aux quatre becs en bronze et ses demeures patrimoniales parmi lesquelles le château de la Tour.

Détail de la fontaine © Office du Tourisme de Samoëns

Les deux mille quatre cents septimontains (pure souche ou d’adoption) qui confèrent à Samoëns une vie à l’année restent très attachés à son caractère authentique. Ils forment une communauté de cœur dynamique, qui ne peut vivre longtemps loin du Criou (le sommet dominant)! En publiant en décembre dernier le livret « Samoëns c’est eux » dont j’ai eu un plaisir fou à écrire les textes et la photographe Monica Dalmasso à faire les images, l’Office du Tourisme décidait de présenter une douzaine de ces septimontains qui animent le village. Une première galerie de portraits offrant un éventail de personnalités de tous âges, aux profils très différents.

À l’occasion d’anniversaires, revenons sur certains d’entre eux qui illustrent l’attachement et la créativité. Simone Dechavassine, disparue en mai dernier était présidente et cofondatrice avec Pierre, son mari, de l’écomusée du Clos Parchet. Elle n’aura hélas pas eu le bonheur de participer aux festivités liées aux trente ans de son ancienne ferme devenue musée. Une merveilleuse machine à remonter le temps pour comprendre le quotidien des habitants de la vallée.

l’écomusée du Clos Parchet ©MC.Hugonot
L’habitat d’autrefois reconstitué à l’écomusée

La vie de cette ancienne enseignante parisienne était un roman qu’elle évoquait avec ferveur et humour. Selon ses propres mots, ce qui l’unissait elle, la citadine férue d’histoire à Pierre, son mari, l’agriculteur ancré dans la ruralité : « simplicité, effort, accueil et partage ». Des qualités fréquentes chez les habitants de Samoëns. Une équipe jeune, animée comme elle par cette passion de transmettre, s’attache à protéger et faire découvrir ce patrimoine local. Simone, femme au caractère bien trempé, n’est pas sans rappeler une septimontaise illustre, Marie-Louis Cognac-Jaÿ (1838-1925), cofondatrice avec son mari de la Samaritaine à Paris, à laquelle Samoëns doit notamment la création de son superbe Jardin botanique alpin, la Jaÿsinia (1906), classé Jardin remarquable. Il s’étend sur presque 4 hectares en plein centre et réunit à flanc de montagne plus de 2500 espèces de plantes alpines venues du monde entier. Une promenade de rêve offrant des points de vue superbes sur Samoëns.

Entrée de la Jaÿsinia, le jardin botanique alpin ©MC.Hugonot

À quelques mètres de là, la pâtisserie au nom éponyme demeure depuis toujours une véritable institution gourmande. Thierry Froissard, meilleur ouvrier de France et jeune retraité sportif et dynamique, n’est jamais très loin de Félix, son fils pâtissier, ni d’Erika, sa fille auxquels lui et son épouse Agnès viennent de transmettre « la Jaÿsinia » qu’ils avaient reprise en I998, voici vingt-six ans déjà. Impossible de quitter Samoëns sans faire une provision de gâteaux de Savoie ! Un secret bien gardé le rend incomparable moelleux et délicieux. La consommation sur place est addictive…

Père et fils (ci-dessous)

Pour se donner bonne conscience (et beaucoup de plaisir aussi!) il suffit de grimper au refuge de Bostan (ouvert été comme hiver) tenu par Bastien, le troisième enfant de la fratrie Froissard ou au Refuge de Folly, repris récemment par un jeune couple sympathique Marie et Jacques du Bourg. Chez l’un et l’autre, le panorama récompense de la grimpette, les assiettes sont gourmandes et l’accueil chaleureux!

Marie du Bourg et la plus jeune de ses filles

Samoëns régale tous les sens. Toutes générations confondues, ses habitants en savourent la qualité de vie et leur ancrage le prouve. Cette année, l’entreprise « Pégorier Charpente » fête ses vingt ans. Compagnon charpentier, Bertrand Pégorier qui parallèlement préside la Fédération des Compagnons du Tour de France, est « tombé en amour » pour Samoëns comme diraient les Québécois. On lui doit beaucoup de réalisations dans Samoëns, la dernière étant la passerelle qui enjambe le bouillonnant Clévieux.

Bertrand Prégorier sous le joli kiosque qu’il a imaginé au pied du télécabine du Grand Massif

Il fait partie des nombreux septimontains de cœur devenus de véritables ambassadeurs du village. Guitariste à ses heures , il s’investit beaucoup dans la vie associative très riche et multiplie les activités liées à la musique. On aura l’occasion de revenir sur son parcours et ses réalisations prochainement avec un beau projet de réhabilitation d’un bâtiment patrimonial majestueux, l’ancien hôtel Mont-Joly à l’entrée de Saint-Gervais, inscrit au titre des Monuments historiques, dont son entreprise refait le toit et la charpente.

Caractéristique de la vie des septimontains, la pluriactivité. En montagne, elle s’impose souvent avec les saisons, professionnellement. À Samoëns, elle nourrit également des passions et crée des liens entre les habitants. S’ajoute à un emploi du temps déjà bien rempli par leur travail, des moments dédiés au sport, à la culture, à l’humanitaire, à la transmission…Si malheureusement le symposium de sculpture sur pierre a été supprimé (espérons provisoirement car il s’agissait d’un évènement unique et en parfaite relation avec l’histoire septimontaine), Pierre Bianco, moniteur de ski à la retraite, sculpteur sur pierre demeure l’ultime représentant d’une tradition très ancienne, celle des Frahans, ces maçons et tailleurs de pierre dont le travail se lit encore partout dans l’habitat de Samöens et du Haut-Giffre. Il a gardé le goût de la pédagogie chevillé au corps et…au cœur.

Pierre Bianco initie Mathilda à la pratique du lithophone, un instrument de musique qu’il a inventé

La galerie de portraits comporte bien d’autres personnalités fortes et généreuses à découvrir tel que Michel Vézy à l’origine de l’Association Handi-Glisse il y aura vingt ans en 2026. Avec sa solide prestance de vrai Père Noël et son charisme fédérateur, son regard bleu glacier d’une grande douceur, ce natif du hameau de Chantemerle a su et sait encore déplacer les montagnes pour rendre le sourire à tous ceux que la vie n’a pas épargnés.

Michel Vézy et son troupeau de moutons de la race Thônes et Marthod qui trouve refuge l’hiver dans sa grange agricole au hameau de Chantermerle

Le cœur, la main, l’esprit, une trilogie autour de laquelle s’agrège l’attrait particulier de ce village de montagne qui tient autant à l’humain qu’à la beauté des paysages ponctués de fermes anciennes et préservées par une activité agropastorale bien vivante. La transmission n’est pas ici une figure de style mais une belle réalité.

©MC.Hugonot

Office du Tourisme de Samoëns (04 50 34 40 28)https://www.samoens.com

La galerie des portraits photos faits par Monica Dalmasso est exposée dans le hall d’accueil. Vous y découvrirez aussi Aurore Delesmillières, l’agricultrice de choc dont « la ferme du Criou » est un établissement modèle, Claude Genevois  surnommé « Tchou-Tchou » et son pittoresque petit train touristique, Véronique Charvolin, chaleureuse épicurienne et sa jolie chambre d’hôtes « la Ferme d’en-bas », Martin Girat, sommelier plein d’humour et sa cave à vins très atypique « le Nez en l’air », Rolande Dechavassine, un personnage, plus connue sous le nom de « la Rolande » qui anime au côté de sa fille Corinne son divin « Relais des Vallées » au col de Joux-Plane ou bien encore le jovial Christian Chauplannaz qui pendant plus de quarante ans a veillé sur le jardin botanique avant de s’adonner pleinement à l’apiculture et à sa fonction d’élu.

Aurore Delesmillières en pleine conversation avec ses petits veaux à la Ferme du Criou

Autant de rencontres et de découvertes à  faire pour s’imprégner du bien vivre septimontain! Ajouter à cela les visites passionnantes et très vivantes du Bourg, des hameaux environnants avec de multiples chapelles, oratoires et fermes traditionnelles mais aussi d’autres villages de la vallée du Haut-Giffre en compagnie des passionnantes Guides du Patrimoine Savoie Mont-Blanc.  

Nora, une des guides du Patrimoine à l’écomusée du Clos Parchet

Le pavillon d’entrée de la Jäysinia propose également une exposition permanente très intéressante retraçant l’histoire du Jardin botanique alpin et qui évoque bien sûr le parcours exemplaire et étonnant de Marie-Louise Cognac-Jaÿ, l’enfant du Pays .

Marie-Louise Cognac-Jaÿ, photo d’archive

Télécharger aussi sur le site de l’Office du Tourisme le précieux guide des Circuits de la Pierre Taillée.

Fontaine des tailleurs de pierre © Office du Tourisme

Sauf mention spéciale, les photos sont toutes de Monica Dalmasso qui vient de remporter le prix du livre d’image de Banff avec son magnifique ouvrage 𝘚𝘢𝘶𝘷𝘢𝘨𝘦 ! (Éditions Glénat).

Serrure ancienne exposée à l’écomusée ©MC.Hugonot


Une réflexion sur “Samoëns : le cœur, la main, l’esprit

  1. Avatar de Florence Fombonne Rouvier Florence Fombonne Rouvier

    Bel article, permettant de me replonger dans ce milieu montagnard où j’ai pris beaucoup de plaisir professionnel.
    Au plaisir de ce recroiser Marie Christine

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