La montagne vue par…Emmanuelle de Laage

Originaire de Varengeville-sur-mer en Normandie, ancienne étudiante à « Paris la Seine » en architecture où elle rencontre Christophe son futur mari, Emmanuelle de Laage accompagne ce passionné de montagne dans la Vallée de Chamonix en 2002 où il commence sa carrière aux côtés de Paul Parizet. L’aventure se joue ensuite au sein de leur propre agence avant qu’Emmanuelle, architecte DPLG, ne choisisse de se consacrer à l’architecture d’intérieur et travaille sur ses projets personnels. « Decalaage intérieur » fête ses dix ans en 2025.

  • Architecte de formation comme Christophe, ton mari, pourquoi avoir bifurqué après plusieurs années de pratique vers le métier d’architecte d’intérieur et créé ton agence Decalaage intérieur ? Quelle est la valeur ajoutée de ton cursus pour aborder ce métier?

J’ai exercé en tant qu’architecte pendant quinze ans, en indépendante, puis nous avons créé Decalaage architectes avec Christophe en 2007. Decalaage intérieur est né en 2015. L’architecture d’intérieur m’a attirée parce qu’elle procure un plaisir plus immédiat, une liberté plus grande avec moins de contraintes techniques et administratives. La rencontre avec Bel Œil* pour qui j’ai tenu un showroom à Chamonix a appuyé mon choix, m’a confortée dans ma décision. Mes études d’architecture me donnent les connaissances qui permettent de tenir un projet créatif de A à Z, d’en avoir une appréhension globale. Ce qui est vrai pour d’autres domaines que l’architecture d’intérieur d’un hôtel ou d’un chalet et peut s’étendre aussi cinéma par exemple.

Intérieur privé ©DR
  • Tu as un site internet épuré et tes réalisations apparaissent peu sur les réseaux sociaux, un parti-pris très peu fréquent dans ta profession . Pour quelles raisons ?

Alors oui j’ai un site, je suis présente sur Instagram aussi mais finalement pas très active sur les réseaux sociaux, c’est vrai ! Je sais que c’est une très bon moyen de communication, seulement je trouve cette sur-communication permanente très chronophage. Et puis, je pense être assez discrète de nature… En fait, je communique quand je termine un projet qui me semble suffisamment intéressant à présenter.

Intérieur privé © DR
  • À Chamonix où tu travailles essentiellement, tu as à la fois une clientèle privée et une collaboration sur le long terme avec Martin Devictor, fondateur de Mont-Blanc Collection. Que t’apportent ces expériences très différentes entre l’appartement ou le chalet d’un particulier et un hôtel ?

Tout d’abord, j’aime répondre à une demande, quelle qu’elle soit. Cela m’intéresse toujours de m’adapter à un client privé, de découvrir son style de vie et d’apporter des réponses avec mon point de vue de  professionnel. En fait, j’aime penser que l’on se sentira bien dans les espaces que je dessine, quels qu’ils soient. Je travaille avec la même attention pour le privé que pour le public. L’hôtellerie m’intéresse beaucoup, les concepts sont souvent plus forts plus affirmés. 
Pour « le plan B à Chamonix » par exemple le thème principal était  « le jeu », l’hôtel se situant à la place de l’ancien Bowling de Chamonix, cela semblait évident.
Nous avons réalisé une mini piste de bowling dans le lobby, on y trouve aussi, un billard, des balançoires , un mur végétal, des jeux d’arcanes, un baby foot, un petit mur d’escalade, c’est un endroit parfait pour passer un moment en famille.

Hôtel le Plan B à Chamonix ©DR
Hôtel le Plan B à Chamonix ©DR


Plus récemment, l’hôtel Lyret, toujours à Chamonix, est un art hôtel très différent, réalisé en collaboration avec Laurène Maréchal. Ma rencontre avec Laurène date des débuts d’Artocène (festival d’art contemporain qu’elle a créé en 2021 à Chamonix). Nous sommes tous deux très impliqués, Martin Devictor et moi, dans l’Association et suivons son travail avec grand intérêt. L’art contemporain et l’architecture restent très proches, c’est un véritable atout d’avoir ce festival d’art contemporain dans la Vallée*. Elle nous a proposé un choix d’artistes et ensemble nous avons réfléchi à des espaces appropriés aux œuvres. Certaines ont d’ailleurs été peintes directement sur les murs. Cette collaboration m’a beaucoup plu. Je pense que j’ai de plus en plus envie de travailler en équipe, et de partager différentes visions pour faire évoluer un projet.

  • La nouveauté c’est précisément la rénovation de cet ancien hôtel les Gourmets au bord de l’Arve, rebaptisé Lyret . Que dire de ce dernier établissement du groupe Mont-Blanc Collection ?

Il s’agit de mon cinquième projet avec le groupe Mont-Blanc Collection. Nous travaillons en confiance avec Martin Devictor (son fondateur) et partageons nos points de vue sur chacun. Pour l’hôtel Lyret, nous avons opté une réhabilitation « soft » car il fallait s’adapter à un budget. Le parti-prix a été de faire juste un « relooking » des chambres, moquette peinture, textile, remis à neuf et de se concentrer sur le lobby (hall d’accueil) et les espaces communs. L’hôtel était assez sombre et très chargé en boiserie, on a travaillé sur la luminosité et la transparence, la création d’une ouverture en façade qui a apporté beaucoup de lumière. Le résultat est là, et avec peu de changements lourds, on obtient une atmosphère très différente. Pour l’instant, on a conservé le mobilier des chambres, chevets, armoires, miroirs, modifié les luminaires et les salles de bain restent en l’état. Pour ce projet j’ai meublé le lobby avec du mobilier chiné chez Selency*, un site de décoration de seconde main en ligne qui a développé un service pour les professionnels. Sur la base d’un moodboard (planche d’inspiration qui sert à définir l’orientation visuelle d’un projet créatif) et d’une liste de meubles, un devis est élaboré et la recherche se fait sur une période définie. Leur décoratrice envoie des propositions selon leurs arrivages et nous validons ensemble, au fur et à mesure, le choix du mobilier. C’est très amusant à faire.

Makiko Furuichi, Passage, 2024, Salon Hôtel Lyret ©DR
 Bea Bonafini, Among the Giants, 2024, Hôtel Lyret©DR
  • A quoi es-tu le plus attachée dans un projet ? Qu’est-ce qui pour toi reste non négociable ?

La non fonctionnalité, il m’est impossible de dessiner des intérieurs que je ne trouve pas fluides, pas pratiques. J’aime avant tout la respiration d’un projet, ce que l’on découvre en entrant, ce qui nous attire, un meuble, un miroir, une fenêtre, la lumière.

Bar de l’hôtel le Lyret©DR
  • Comment vois-tu l’évolution de ton métier en territoire alpin? Au hasard de tes recherches, tu découvres des nouveaux artisans mais aussi des artistes. Quel est ton dernier coup de cœur ?

Cela fait un moment que l’on s’oriente vers une demande d’architecture d’intérieur plus moderne, qui sort un peu des codes de montagne traditionnels et c’est ce qui m’intéresse personnellement. Mon dernier coup de cœur, les Fetish de Jean-Guillaume Mathiaut, un très beau travail d’objet sculptural en bois, mêlant différentes cultures et toujours teinté d’un peu d’humour et de poésie. (https://www.instagram.com/jeanguillaume_mathiaut/?hl=fr)

  • Qu’est-ce que tu rêverais de faire de nouveau ?

Tout ! Travailler un peu plus dans le design, créer des intérieurs plus inspirés, plus aboutis, avec des conceptions de meubles sur mesures. Aujourd’hui, je crois que j’aimerais faire des villas au soleil, sortir un peu de la montagne que je connais bien et que j’apprécie mais j’ai envie de me réinventer. J’ai envie de villas ouvertes sur la mer ( je viens du bord de mer, et je crois que l’air marin me manque un peu!), où l’intérieur et l’extérieur se confondent dans une ambiance claire et lumineuse, de la pierre, avec du mobilier brut en bois, des luminaires en jute…

  • Quel est ton meilleur souvenir à la montagne?

Christophe, mon mari nous a emmenés avec des amis au refuge de La Charpoua, à 2841m d’altitude au pied des Drus. On traverse la mer de glace, puis 90 mètres de dénivelée d’échelle, et pour finir une belle via ferrata, bien vertigineuse. La montagne c’est le surpassement de soi, on pense qu’on ne va pas y arriver, que l’on est pas capable , et…

Refuge du Charpoua ©DR

Emmanuelle de Laage: https://www.decalaageinterieur.com/ et https://www.instagram.com/decalaage/

Hôtel Lyret à Chamonix: https://www.hotel-lyret.com/

Bel Œil * (https://www.bel-oeil.com/) est une enseigne installée à Nice Cannes et Monaco,  un ensemblier qui accompagne les clients pour leurs projets d’intérieurs, à la fois pour les cuisines, les salles de bain et tout le mobilier design intérieur et extérieur.

Selency * https://www.selency.fr/

Artocène* , la 4ème édition aura lieu du 28 juin au 14 septembre 2025. Intitulée « Corps augmentés ». Elle présentera un parcours d’expositions qui s’étendra entre 580m et 1800m d’altitude.https://www.artocene.fr/

Anna Tomaszewski, Nueva Sangre, 2024, hôtel Lyret. © Julien Gremaud 

Laurène Maréchal, créatrice d’Artocène, s’exprime à propos de son intervention au Lyret, sa première expérience artistique dans un hôtel en tant que curatrice indépendante.

Pour la rénovation de l’ancien hôtel « Les Gourmets », Martin Devictor – à travers son groupe Mont-Blanc Collection – a souhaité penser un projet original. En rebaptisant cet hôtel « Lyret », il a imaginé un lieu qui allierait art et design.
Ainsi j’ai eu la joie de collaborer avec l’architecte d’intérieur Emmanuelle De Laage. Le but était de créer un lieu chaleureux dans lequel des œuvres d’art viendraient rythmer les pièces soigneusement conçues par Emmanuelle. Nous avons ainsi discuté de comment créer un dialogue harmonieux entre l’architecture, la décoration et les œuvres. Je lui ai présenté le travail des artistes et elle a donc imaginé un décor propice à recevoir ces œuvres extrêmement vibrantes et colorées. 
Je suis fière de ce projet qui permet de voir de l’art dans un contexte autre que muséal et qui permet également d’imaginer le paysage alpin sous une autre forme que la représentation classique. Les six artistes invitées*, imprégnées par le lieu et l’environnement naturel exceptionnel de Chamonix, ont créé des œuvres in situ.

  • Artistes invitées : Bianca Argimon, Bea Bonafini, Laetitia de Chocqueuse, Makiko Furuichi, Sandra Liccioni, Anna Tomaszewski.
 Bianca Argimon, La Traversée, 2024, hôtel Lyret. © Julien Gremaud

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