En écho aux expositions parisiennes…

Qu’il s’agisse actuellement de  » Jean-Baptiste Greuze, l’enfance en lumière  » au Musée du Petit Palais ou de  » Paris 1925, l’Art déco et ses architectes  » à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, ou d’autres expositions parisiennes, il est toujours amusant pour moi d’établir des passerelles avec nos territoires de montagne, ce qui pimente chaque visite… La preuve !

Jean-Baptiste Greuze, Petit garçon au gilet rouge, vers 1775. Huile sur toile, 40 × 32 cm. Paris, musée Cognacq-Jay. CCØ Paris Musées / musée Cognacq-Jay.

Parmi les portraits signés par Jean-Baptiste Greuze (1725-1805), peintre auquel le Petit Palais rend hommage à l’occasion du 300ème anniversaire de sa naissance, il en est deux qui proviennent du Musée Cognac-Jay. Cette exposition centrée sur l’enfance, un des sujets qui ont valu sa notoriété à l’artiste, réunit de nombreuses œuvres provenant de collections particulières.

Jean-Baptiste Greuze.  » Petit garçon blond à la chemise ouverte » , vers 1760. Huile sur toile, 40 × 32 cm. Paris, musée Cognacq-Jay. CCØ Paris Musées / musée Cognacq-Jay.

« Petit garçon au gilet rouge » comme « Petit garçon blond à la chemise ouverte », exposés ensemble au Petit Palais, appartiennent à la Collection Cognac-Jay conservée par le musée éponyme. Ce dernier réunit les œuvres du XVIIIe siècle acquises entre 1900 et 1927 par Ernest Cognacq et son épouse Marie-Louise Jaÿ, fondateurs des Grands magasins de la Samaritaine, et léguées à la Ville de Paris. Marie-Louis Jaÿ, comme son époux, est d’extraction modeste. Lui, natif de Saint-Martin-de-Ré en Charente-Maritime et elle, du village de Samoëns en Haute-Savoie. Ils vouent toute leur vie au travail, à leur réussite sociale et ils n’ont pas eu d’enfants. Ernest Cognac-Jay a écrit en marge d’un brouillon de projet de donation: « Quitter la vie sans laisser d’enfants, ce n’est pas mourir, c’est n’avoir pas vécu » (« les Cognac-Jay – Samaritaine et Philanthrope » de Didier Jung, Éditions Le Croit vif, 2015). Ces deux  » durs à cuir  » ne restent pas insensibles au talent de Jean-Baptiste Greuze, passé maître dans l’art de saisir les charmes indicibles de l’enfance. Même si l’exercice peut sembler parfois un peu répétitif dans le traitement de ses portraits , cette présence enfantine occupe aussi une place à part dans ses scènes de genre et il semble prendre goût à délivrer un message selon les âges de ses modèles en utilisant une symbolique singulière dont le tableau conservé au musée du Louvre, «  la Cruche cassée« , est l’exemple le plus célèbre.

L’exposition « Paris 1925, l’art déco et ses architectes » à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, l’une des institutions qui célèbrent actuellement le centenaire des Arts Décoratifs dans la France entière, nous propose de revivre un évènement majeur : l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris. « Le 28 avril 1925, cette exposition s’ouvrait entre le Grand Palais et les Invalides en passant par le pont Alexandre-III et les berges de la Seine« . Dans un bel espace réservé aux expositions temporaires de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, malheureusement voué à laisser sa place pour prolonger les salles dédiées aux collections permanentes, ce passionnant sujet fait l’objet d’une étude approfondie orchestrée par Bénédicte Mayera, valorisée par le travail d’une jeune scénographe Laura Bodénez.

Scénographie de l’exposition autour du régionalisme (mur du fond) et Le Corbusier au premier plan ©Laura Bodénez.

L’architecture, comme chacun sait, reste difficile à exposer. Certains documents, tels que les plans, présentés en trop grand nombre, font fuir instantanément un public non averti qui s’intéressera davantage aux maquettes, photos, projets dessinés, croquis, bustes des architectes, sculptures ou reconstitutions en 3D que l’on trouve ici réunis.

Boutterin, Maurice (1882-1970). Exposition internationale des arts décoratifs moderne, Paris 1925, Pavillon de la Franche-Comté : perspective © Fonds Boutterin, Maurice (1882-1970). Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture contemporaine.

Cette exposition très vivante souligne l’importance de ce « Moment 1925 » dont la diversité des styles sera qualifiée dans les années 1960 seulement d’ « art déco« . La reconstruction en province fait la part belle à une grande liberté de projets modernistes pour certains, régionalistes pour d’autres. C’est ainsi, par exemple, que parmi tous les Pavillons représentants des régions ou des grandes villes françaises, on peut voir – en pleine consécration du béton armé – celui de la Franche-Comté, à pans de bois. Une architecture peu franc-comtoise imaginée pourtant par le bisontin Maurice Boutterin. Il s’agit là d’une des multiples réponses à la question « Comment reconstruite moderne ? » dans des régions ou villes dévastées.

Scénographie de l’exposition concernant Albert Laprade ©Laura Bodénez.

Parmi les architectes phares de cette exposition – Robert Mallet-Stevens, Henri Sauvage, , Auguste Perret, Louis Süe, Le Corbusier, etc… – le parisien Albert Laprade (1883-1978). S’il imagine pour l’évènement de 1925 une salle de bain carrelée de pavés de verre Lalique qu’il intègre à son Pavillon Studium-Louvre (ci-dessous), il faut se souvenir qu’à la même époque précisément, il commence à se porter acquéreur des terres et fermes d’alpage de Charousse (sur la commune des Houches, en Haute-Savoie).

Sa démarche salvatrice qui s’étendra sur une trentaine d’années aura pour effet de préserver à la fois l’habitat rural et le paysage que l’on peut toujours admirer aujourd’hui. Elle permettra aussi de constituer les bases d’un musée montagnard aux Houches grâce à la collecte d’objets usuels et agricoles ainsi que du mobilier provenant des fermes de Charousse.

Laprade, Albert (1883-1978). Studium du Louvre, exposition des Arts décoratifs de Paris, 1925 : vue nocturne (planche 58, « Bâtiments et jardins ») (cliché Georges Buffotot).© Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture contemporaine/ADAGP-2025.
Laprade, Albert (1883-1978). Studium du Louvre, exposition des Arts décoratifs de Paris, 1925 : vue de la salle des bains, 1925 (cliché anonyme).© Académie d’architecture/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture contemporaine/ADAGP-2025.

L’exemple d’Albert Laprade montre que le même homme qui, plus tard, va imaginer le Palais de la Porte Dorée à Paris, un des chefs-d’œuvre de « l’Art déco » (il s’agit à l’origine du Palais de la France d’Outre-mer, construit à l’occasion de l’exposition coloniale de Paris en 1931) peut s’avérer aussi un fervent défenseur du Patrimoine rural alpin.

Ce qui ressort précisément de cette exposition, c’est qu’il existe chez ces architectes aux profils aussi différents que Mallet-Stevens et Le Corbusier notamment une diversité de styles que le vocable « Art déco » a eu tendance à faire oublier. Laprade à lui seul illustre parfaitement le propos de Bénédicte Mayera, commissaire de l’exposition pour introduire « le régionalisme »: « Dans un pays fortement centralisé, la question de la valorisation du régionalisme se pose dès la préfiguration de l’Exposition de 1925« .


« Jean-Baptiste Greuze, l’enfance en lumière« . MUSÉE DU PETIT PALAIS, jusqu’au 25 janvier, Avenue Winston-Churchill, Paris 8e, https://www.petitpalais.paris.fr/ Catalogue.

 » Paris 1925, l’art déco et ses architectes « . CITÉ DE L’ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE, jusqu’au 29 mars 2026 – 1, place du Trocadéro, Paris 16e. https://www.citedelarchitecture.fr/fr (lire la revue Colonnes N°41, produite par la Cité, qui lui est entièrement consacré et fait office de catalogue.

Et pour susciter l’envie de découvrir le hameau de Charousse, je ne résiste pas à vous montrer cette image…

Charousse sous la neige ©Cécile Gruffat.

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