
Cet ouvrage, particulièrement soigné dans sa forme et sa conception, aussi touchant qu’intéressant par son contenu a été conçu à quatre mains par Joëlle et Marie Petey. Fille et petite fille de Claude Séchaud (1929-2009), architecte à Allinges en Haute-Savoie auquel on doit la « drôle de petite chapelle » Notre Dame de la Plaine Dranse, située sur la commune de Châtel.

Le patrimoine passionne les auteurs. Joëlle est amoureuse de son Chablais natal et férue d’histoire, quant à Marie, elle débute sa carrière d’architecte… du Patrimoine. Le révéler par tous les moyens semble une seconde nature chez la mère et la fille. Et lorsqu’il s’agit de la famille et de leur territoire, cela s’impose plus encore comme une évidence.
A travers ce focus sur l’une des créations de Claude Séchaud, la plus étonnante sans doute et le seul bâtiment religieux de sa carrière, elles rendent hommage au talent d’un architecte haut-savoyard méconnu qui a beaucoup œuvré dans la région où il a réalisé de nombreux hôtels et maisons.


Dans sa préface Arnaud Duteuil, directeur du CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) de Haute-Savoie, souligne que cette chapelle est « l’expression d’une culture montagnarde tournée vers l’avenir qui renonce à tout passéisme ».
Les auteurs déroulent l’histoire avec méthode pour que l’on comprenne le contexte à la fois géographique, sociologique, religieux et artistique dans lequel va naître et évoluer ce projet à la fin des années cinquante et au début des années soixante, au cœur d’un alpage situé à 1650 mètres d’altitude, dans « un petit cirque relativement plat parsemé de blocs monolithes abandonnés par les glaciers. »
A l’initiative de cette construction, l’Abbé André Milloux, curé de Châtel de 1942 à 1970. Cet homme que Joseph Ticon, Président de l’Académie Chablaisienne, dépeint dans son avant-propos comme très actif et ouvert d’esprit, « sensible aux courants de la modernité », va adhérer complètement aux propositions audacieuses pour l’époque du jeune architecte Claude Séchaud. Pour cette chapelle dédiée à la Sainte Vierge, la dernière construite dans la Vallée d’Abondance, les archives témoignent d’une métamorphose surprenante entre le projet initial plus frileux et traditionnel dans sa conception et sa réalisation finale avec sa forme ovoïde qui ne doit rien au régionalisme. Claude Séchaud en dessine aussi les vitraux avec talent. Pierre, ardoise et béton sont utilisés pour la construction de cette chapelle.

L’évolution du projet dans toute sa complexité fait l’objet d’un chapitre particulièrement intéressant. On imagine bien qu’au beau milieu d’un alpage, l’esthétique contemporaine et novatrice de l’édifice religieux pose problème…notamment auprès des paroissiens qui la financent en partie …L’histoire se répète à toutes les époques en montagne et pas seulement. Aujourd’hui le contexte a bien changé et le charme pastoral du site a cédé la place à tout ce qui défigure la montagne mais galvanise les skieurs. Il importe malgré tout que les nombreux touristes et habitants de Châtel et de la région mais aussi les amoureux d’architecture regardent cette jolie chapelle d’un autre œil et découvrent cet élément du patrimoine religieux et architectural de nos montagnes…« Elle garde cependant sa fonction à part entière, conclut Joëlle Petey, et reste un lieu d’accueil, de prière et de recueillement. » Immuable et digne en somme.

NOTRE DAME DE LA PLAINE DRANSE, Histoire de la drôle de petite chapelle – Châtel, par Joëlle et Marie Petey. Traduction anglaise Isabelle Hainaud. (Editions Découverte du Patrimoine, 12 €) decouvertedupatrimoine@gmail.com