La galerie Roger-Viollet, une belle machine à remonter le temps !

Façade actuelle de la Galerie Roger-Viollet©Vanessa Bassetti

Enfin ouverte au grand public depuis décembre 2020, après plusieurs années d’interrogations et d’importants travaux, cette célèbre agence photographique crée par Hélène Roger-Viollet en 1938 reste une référence internationale dans le domaine des archives photos.

Elle a intrigué et fait rêver plusieurs générations fréquentant la rue de Seine ! Nous sommes nombreux à avoir éprouvé l’irrésistible envie de découvrir les merveilles que ce lieu mystérieux renfermait dans ses boites vertes qui recouvraient des murs entiers… On n’osait pas se coller le nez à la devanture car juste derrière la vitre travaillaient chercheurs et documentalistes dans les bureaux historiques de l’agence ! Les archives Roger-Viollet étaient exclusivement accessibles aux professionnels. Une pancarte stipulait « Nos photos sont réservées à la Presse, la Publicité, la Télévision, le Cinéma et autres usages professionnels… » Il fallait donc absolument montrer patte blanche pour en pousser la porte ! Cette époque est révolue.

Hélène Roger-Viollet (1901-1985), photographe française, au sommet du temple de Baal (ou Bel), photographiée par son guide. Palmyre (Syrie), novembre 1953.

« Les voyages d’Hélène », Une vie à documenter le monde (prévue à l’origine pour l’inauguration en décembre) rend hommage à cette personnalité étonnante qui fut à l’origine de l’agence et son ange gardien jusqu’à sa disparition en I985 à plus de 80 ans. Époque à laquelle Roger-Viollet comptait encore une vingtaine de salariés. L’histoire du couple fusionnel qu’elle semble former avec son mari autrichien Jean Fischer se termine tragiquement. Coup de folie ? L’histoire ne le dit pas.

Dans les années trente, la journaliste Hélène Roger-Viollet (1901-1985) milite aux côtes de  Louise Weiss pour le droit de vote des femmes. Aux côtés de son compagnon et futur mari Jean Fischer, elle est la première journaliste à couvrir la guerre d’Espagne en 1936. Initiée à la photo par son père Henri Roger-Viollet, ingénieur chimiste plein d’humour et féru d’expériences les plus saugrenues dans ce domaine, Hélène Roger-Viollet, photographe autodidacte douée, femme pétulante et qui n’a pas froid aux yeux, part avec son Rolleiflex et son mari sillonner le monde afin de prendre des photos qui viendront enrichir les collections de l’agence. Aujourd’hui, les archives s’étendent sur une période allant de la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 2000 et couvrent tous les domaines artistiques, historiques, politiques, touristiques, etc…

Betty Furness et Dennis Morgan, acteurs américains, s’entrainant au baiser de cinéma avec masques de protection pendant une épidémie de grippe. Hollywood, 1937 © Ullstein Bild/Roger-ViolletUn clin d’oeil à l’actualité…

A la même adresse, rue de Seine, existait déjà avant 1938 la boutique d’un certain Ollivier qui vendait alors des tirages photos aux étudiants des Beaux-Arts. Par miracle, l’agence d’Hélène, dont la façade reste barricadée de planches de bois, ne souffre pas des destructions engendrées par la Seconde Guerre mondiale et ouvre de nouveau en 1945. Hélène Roger-Viollet et son mari, passionnés et visionnaires, enrichissent les fonds Roger-Viollet par l’achat d’autres collections de plaques photographiques rares et de négatifs mais également par des reportages qui comblent les manques. En I981, Hélène explique aux journalistes venus réaliser pour Antenne 2 un savoureux reportage sur les archives Roger-Viollet (visible dans l’exposition) que sur sept millions de clichés, ils sont les auteurs de huit cent mille d’entre eux réalisés sur tous les sujets pendant trente ans. Essentiellement en noir et blanc car la couleur suscite alors peu de demandes.

Gilles Taquet, co-président et directeur de la photo du groupe NDRL/Photononstop, préside aux nouvelles destinées de Roger-Viollet mais aussi le Syndicat national des agences photographiques d’illustration générale (SNAPIG). Il a repris l’exploitation commerciale du fonds (une concession de 5 ans) légué à la Ville de Paris et multiplie les initiatives pour valoriser et dynamiser l’agence tout en y attirant aussi le grand public.

Galerie Roger-Viollet©Vanessa Bassetti

La création de la galerie va y contribuer. Le décor, signé d’un jeune architecte David Apheceix, est épuré, contemporain et préserve malgré tout l’ADN des lieux. Les tabourets créés par Wendy Andreu, jeune (elle aussi !) femme designer sélectionnée pour les « Rising Talents Awards » par Maison & Objet en 2020, apportent une touche de modernité originale.

Galerie Roger-Viollet©Vanessa Bassetti

Guillaume Houzé, président de la Fondation Galeries Lafayette, qui l’a choisie, dit d’elle : « Le travail de Wendy Andreu a su trouver un point d’équilibre idéal entre le respect du passé et l’impertinence du renouveau, entre la recherche d’innovation et l’aspect commercial, entre l’idée pure du design et la dimension décorative. Le tout en y intégrant une touche d’humour. » Il y a donc dans cette galerie du sang neuf et une belle énergie.

Galerie Roger-Viollet©Vanessa Bassetti

Avec cette exposition, le travail sensible d’Hélène qui n’avait jamais été mis en avant peut être révélé. Aujourd’hui, si Roger-Viollet reste fidèle à sa vocation première, elle propose aussi des tirages aux visiteurs (encadrés ou non) à des prix abordables et des expositions clés en main. Le fonds historique a été complété au fil des quinze dernières années par celui du quotidien France-Soir (diffusé en exclusivité), ceux de photographes indépendants français et étrangers et par des partenariats avec de grandes agences d’archives mondiales. Cet enrichissement va se poursuivre dans le futur, les photos contemporaines étant le patrimoine de demain. Quant à la numérisation du fonds, elle est en cours.

Quelques unes des boites « montagne » de Roger-Viollet ©MCHugonot

Et la montagne dans tout cela me direz-vous ? J’y viens ! Il existe dans ces archives des photos incroyables sur toutes les régions montagneuses de France et d’ailleurs. On découvre, en ouvrant les enveloppes en craft contenues dans chacune des boites vertes, des documents surprenants sur ces villages qui sont devenues des stations de ski connues, autant de destinations aujourd’hui touristiques et surpeuplées à des époques où l’habitat y était encore disséminé et rare, la nature omniprésente… Des images dont la qualité est inégale car il s’agit pas de photos d’art mais qui ont le mérite d’exister, de témoigner, de dresser un état des lieux et d’être avant tout de précieux documents.

Curieusement, la Librairie des Alpes située à deux pas, dont la création date quant à elle de 1933, partage pourtant la même adresse que la Galerie Roger-Viollet, au 6 rue de Seine ! Les promeneurs s’y trompent et il existe désormais une synergie entre les deux maisons historiques proches du Pont des Arts et de l’Institut de France. La librairie des Alpes renseigne sur la galerie Roger-Viollet et en même temps accueille un nouveau public qui découvre au hasard de ses pérégrinations ce fief des amoureux de la montagne. Rempli de trésors vintage – livres, tableaux, objets, affiches, cartes postales et photographies – mais également contemporains, ce lieu est terriblement attachant. Les bibliothèques ploient sous les volumes rares et les œuvres d’art. Un couloir galerie présente régulièrement des oeuvres d’artistes défendus par l’actuel propriétaire Jean-Louis Vibert-Guigue (qui a pris la succession d’Elise, sa maman). Qu’il s’agisse des collages de Cécile Fourcade, des aquarelles de Marilou Laure, des photographies du jeune Julien Lacroix… ou d’autres.

Ainsi, grâce à la seconde vie de Roger-Viollet, ces deux enseignes vont attirer plus encore les amoureux des Alpes désireux de se documenter sur des lieux qui leur sont chers ou de découvrir ce que cette montagne muse suscite de créativités tant littéraires qu’artistiques depuis des décennies. Un vrai bonheur !

« les voyages d’Hélène ». Une vie à documenter le monde. Exposition jusqu’au 30 avril. Galerie Roger-Vivier, 6 rue de Seine – 75006 Paris (01 55 42 89 00) . www.roger-viollet.fr

Librairie des Alpes, même adresse (01 43 26 90 11) www.librairie-des-alpes.com

Une réflexion sur “La galerie Roger-Viollet, une belle machine à remonter le temps !

  1. Florence Fombonne Rouvier

    Des pépites qui pourraient bien illustrer la base d’un point d’observation de l’observatoire photographique de Savoie.
    A découvrir dès que la possibilité de venir sur Paris se présentera…

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