Angélique Buisson, la montagne chevillée au corps

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Portrait d’Angélique Buisson ©DR

Architecte d’intérieur réputée, Angélique reste fidèle à ses racines chablaisiennes alors même qu’elle peaufine de superbes projets dans toutes les Alpes et ailleurs. Fondatrice de la marque « Angel des montagnes » qui a occupé quinze ans de sa vie, elle se consacre depuis ces dix dernières années à illustrer sa vision avant-gardiste et subtile de l’art de vivre la montagne. Avec une douceur « angélique » bien sûr… mais aussi une volonté de fer, elle ne déroge jamais aux principes qui agrègent son style, lui conférant une originalité vraie faite d’un savant dosage entre modernité et authenticité, épure et confort.

Que retiens-tu surtout de ton parcours intimement lié à l’art de vivre à la montagne ? Qu’est-ce qui t’a fait grandir ?

C’est l’envie de modernité qui m’a fait grandir, l’envie de modernité qui ne m’a jamais quittée et que j’ai toujours aujourd’hui. La modernité comme une rupture avec les habitudes et les mœurs du marché, qui sont des valeurs du passé, la modernité au sens d’un progrès nouveau, d’un changement de mentalité.

L’homme moderne n’est pas « celui qui vit en regardant sa montre » (Pierre Chaunu) ou celui qui veut être à la mode, c’est aujourd’hui celui qui voit la nature, la richesse du monde et s’aménage des aires de repos dans une société chaotique. L’art de vivre à la montagne, c’est être moderne et authentique.

Il y a 30 ans quand la montagne et son art de vivre émargeaient, c’est le folklore et la tradition qui ont servi de réservoir à la création et au développement. Réservoir qui a été surjoué, nous avions tous envie de racines profondes qui nous rassurent à l’heure déstabilisante de l’accéléré des communications.

Aujourd’hui le monde est toujours en grand changement et c’est de calme et de valeurs vraies, dont nous avons besoin pour garder la vision de l’avenir du monde. L’art de vivre à la montagne, c’est être moderne et authentique, loin des artifices.

Concrètement je le traduis dans les aménagements qui me sont confiés par des choix des matières naturelles, brutes, où la main de l ‘homme se sent et est en harmonie avec la nature, sans rajout inutile. Pas de sophistication superflue, une simplicité affirmée des lignes pour un sentiment d’épure où même l’œil va se reposer et ne pas être agressé. De la douceur, de l’harmonie, minimiser les ruptures visuelles … de la laine, du fer, de la pierre, du bois, du bois et encore du bois.

Chalet contemporain à Courchevel ©Jean-Marc Palisse

Tu accordes beaucoup d’importance à l’authenticité. De quelle manière se manifeste sur ton travail l’influence de tes racines chablaisiennes ?

L’authenticité je la porte en moi. Un legs familial peut être, une grand-mère antiquaire, qui m’a appris à distinguer le vrai du faux ; un besoin de relations vraies, d’aller à l’essentiel. Les complaisances sociales m’ennuient : je fais des efforts, mais la beauté naturelle, le spectacle d’une montagne ou d’un vert tilleul au printemps m’ont toujours nourrie au-delà de mes attentes. C’est ce besoin de vérités simples que j’insuffle dans les aménagements que je conçois : une liaison évidente avec l’extérieur, avec la nature environnante comme si la nature s’invitait à l’intérieur, un choix de revêtements naturels où le matériau souvent brut est mis en valeur.

Dans quelles régions et pays travailles-tu actuellement et sur quels types de projets ?

Les Alpes traversent les frontières, je suis le mouvement, en France, en Suisse, en Italie, jusqu’à toucher la mer parfois avec des accords différents qui permettent de se renouveler plus facilement.

Je travaille sur des projets complets d’aménagement, architecture d’intérieur et décoration, je réalise les plans d’aménagement, de revêtements, les plans électriques et surtout réalise un descriptif pièce par pièce avec 3D, élévations, matières, appareillages sanitaires … puis vient le temps des planches tendances et de la décoration.

Rénovation à Chamonix ©Jean-Marc Palisse©Jean-Marc Palisse
« La couleur modernise l’espace par ses aplats, elle donne des respirations légères et dynamiques ». Rénovation à Chamonix ©Jean-Marc Palisse

Toi qui a toujours lutté contre les excès, cette tendance à « surjouer la montagne », comment vois-tu l’évolution de ton métier en territoire alpin ?

Éviter de surjouer, c’est éviter les stéréotypes, savoir se renouveler, c’est chercher des pistes nouvelles, garder du temps pour la conception ! L’art de vivre à la montagne évolue, la montagne c’est aussi l’été, c’est aussi le quotidien de plus en plus, ce n’est plus les vacances de Noël ou février au ski, ce n’est plus un condensé de neige à saupoudrer à coup de peau de moutons. Il faut éviter à tout prix de dupliquer.

Je signe mes projets la plupart du temps des mois à l’avance, parce qu’une procédure administrative est longue ou faute de disponibilité tout simplement, c’est ce que j’appelle mon temps d’étude informelle: trouver le rythme d’une rénovation, trouver l’âme de la construction nouvelle, prend du temps. Je peux ainsi laisser du temps au temps, l’étude du projet n’a pas commencé, mais avec la visite des lieux, les rencontres avec le client, l’esprit est en marche, en éveil et l’harmonie se met en place plus facilement le moment venu.

Chalet contemporain à Courchevel ©Jean-Marc Palisse


Est-ce que le profil de ta clientèle a lui aussi beaucoup changé en quelques années et de quelle façon ?

Sans même parler des derniers mois, l’envie de nature et d’air pur est devenue l’affaire de tous aujourd’hui. Le luxe, la détente, respirer mieux, c’est la rosée sur les sentiers de montagne, la convivialité d’un feu de cheminée, le regard qui embrasse l’horizon au loin et le sentiment de liberté qu’il procure. Oui les clients sont plus nombreux aujourd’hui.

A quoi es-tu le plus attachée dans un projet ? Qu’est-ce qui pour toi reste non négociable ?

La matière encore et toujours. La matière quand elle est fausse ou inappropriée n’est pas négociable. J’ai une aversion pour la tendance actuelle du carrelage façon parquet !

Pouvoir travailler sur des projets complets est un luxe dont j’aurais du mal à me passer : travailler sur la structure, sur l’aménagement, sur les revêtements, me permet une mise en valeur du mobilier et des lumières plus aboutie, tout comme la décoration vient ennoblir encore l’espace que je crée et les matériaux que j’ai choisis.

Au hasard de tes recherches, tu découvres des nouveaux fournisseurs, des artisans mais aussi des artistes. Quelle est ton dernier coup de cœur ?

Je suis toujours en quête du Graal et d’une émotion nouvelle : une réminiscence de mon enfance et des ventes aux enchères ! Mes derniers coups de cœur sont sans aucun doute Aleksandar Bezinovic et Elisa Uberti, le premier pour ses géométries abstraites, son minimalisme, comme une trace dans nos mémoires, la seconde pour ses céramiques organiques et ses formes brutalistes que j’affectionne tant.

 » Language of birds II » , 2020. Aleksandar Bezinovic, Acrylique, fusain sur toile.
Sculptures en grès blanc d’Elisa Uberti

Angélique Buisson, Showroom
www.angelique-buisson.com
Tel: 04 50 26 63 71
1 B Avenue du Léman
74200 Thonon-les-Bains

La jolie maison d’Angélique Buisson en couverture de mon dernier livre paru « Vue sur lacs, Architecture et patrimoine en Savoie Mont-blanc » publié aux Éditions Glénat fait aussi l’objet du chapitre « En belvédère sur le Léman » dans mes « Visites privées « . A l’exception d' »Habiter la montagne« , Angélique Buisson – qui fait partie de mon « bagage sentimental  » – est omniprésente dans mes ouvrages consacrés à l’art de vivre la montagne!

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